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Mots en fête
22 octobre 2021

histoires courtes (2)

La Tige

 

Ses camarades de lycée l’appelaient « la Tige »

Yacine mesurait un mètre quatre -vingt à seize ans. Il était fin comme un fil, séduisait les filles de son œil de velours et par son sens de persuasion.

Il étudiait sérieusement pour devenir législateur et élaborer des lois contre l’exclusion des jeunes de banlieue dont il était issu. 

Il était consterné par les erreurs de parcours et les orientations déçues de ses dix frères et sœurs.

Après avoir raté ses études de droit trop laborieuses,  il devînt un célèbre écrivain de gauche dénonçant les injustices. 

Il rêvait souvent à un monde meilleur accoudé à la balustrade de son appartement. 

Edith 

 

 

Assis sur un banc dans la cour d’un lycée de banlieue, un calepin et un crayon sur les genoux, un adolescent, longiligne comme ils savent l’être à cet âge, tout encombré de ses grands bras, de ses mains, ne sachant jamais comment se tenir, regarde un de ses camarades faire le clown en équilibre sur la balustrade. Il envie de son aisance, lui qui se sent si gauche, une tige raide, manquant de souplesse, il n’est jamais à l’aise dans aucun lieu, avec personne, il se voit presque comme une erreur de la nature. Aucun législateur ne pourra jamais aider à passer ce moment bien difficile de l’adolescence.

Il n’y a qu’une chose qui le sauve, l’écriture. Il ne se dit pas écrivain, non loin de là, mais il aime plus que tout ce jeu des mots, ces mots qui coulent comme du velours de ses pensées.

Il est heureux de les tourner dans tous les sens, de les triturer, de les avaler et les recracher, en faire des phrases, des textes pleins de gaieté, de rire, de tristesse, de plaisir.

Là il est lui, heureux et plein de vie.

 

 

 

 

 

 

Moissonner les petits plaisirs

Partager miettes à miettes

Dissoudre la grisaille

Recolorer le monde

 

Lucile

 

 

Secouons les assemblées

 

On est loin ici de la rive gauche, même si du haut de la tour, on peut presque toucher sa fausse jumelle, la barre Eiffel,  la grande dame qui fait la fierté de Paris. C’est un lieu où le législateur a fait mine de se pencher, à regret. Quelle erreur, quelle bévue ! Temps perdu et argent dilapidé, populace en rupture, trop de promiscuité, trop de sauvageons à sniffer dans les caves et les halls et à glander sur le bétonTrop d’étrangeté surtout. Trop d’indigènes. Trop c’est trop. Alors on laisse béton, comme on dit là-bas. Le verlan du cordé, à tout jamais.

 

Cependant, sur le trottoir d’un lycée de banlieue, loin des ors, du velours, des balustrades de l’assemblée, à mille lieues de l’entendement des chefs de cabinet, un écrivain public a posé son derrière sur un banc, autour de quelques arbustes malingres et poussiéreux. Une caricature de nature. Il a invité les tiges rebelles et désœuvrées à s’y épancher.

 

Mais celles-ci, inflexibles et revêches, par essence, par accoutumance ou par mimétisme, n’ont pas daigné se laisser apprivoiser. Un coup tordu des chats fourrés, ont-ils avancé. Menaçants.

 

Dans un premier temps.

 

Comme sur un ring, il y eut un long temps d’observation, d’échanges musclés. Sauf que notre écrivain ne voulait pas en découdre, mais seulement s’efforcer, au contraire, dans le dialogue et la bienveillance, de recoudre un peu de lien…

 

-         Tu veux quoi ? Tu veux quoi ? Bouffon, retourne dans ton quartier ! On veut pas t’parler !

 

Loin de s’offusquer, loin de renoncer, notre scribe se mit à noircir son cahier. Et les langues peu à peu se sont déliées.

Colère, désespoir, ressentiment, hargne, haine et … propositions, tout y est passé. Un torrent inextinguible, un déversoir d’émotions, de désirs trop longtemps rentrés.

 

-         T’écris quoi ? Que l’quartier est pourri, qu’il n’y a plus d’ascenseur, qu’ici à vie on est enfermé, que nos mères sont vos boniches et qu’ailleurs on n’a pas l’droit de cité ! Qu’on a plus qu’à crever ! Ce monde on le hait ! On est des racailles à tout jamais. Au karcher, il faudra nettoyer. Ecris tout ça.

-         Oui, j’écris tout ça et encore plus. Je n’attends que çà.

-         Mais c’est du vent, du baratin, du boniment, du blablabla. Ils sont passés où, les camarades de turbin de nos grands-pères ? Tu les vois dans cette zone qui pue l’ennui et le désespoir .Depuis longtemps ils ont abandonné le rafiot. Même les keufs ne s’aventurent plus ici.

-         Je veux votre parole toute entière, la colère, la révolte et… l’amour qui se cache tout derrière, pour celui qui sait voir.

 

Rires, gloussements…

 

-         J’irai voir vos mères, vos sœurs, vos grands-frères. Au grand jour, elles ils apporteront leur témoignage. Je vais planter ma tente dans vos têtes et dans vos vies. Tiges, vous l’êtes pour beaucoup, c’est ainsi que vous êtes vus. Mais le cœur de la tige reste tendre, j’en suis sûr et une main, un regard, un coup de main, une écoute et tout peut changer.

-         Mais ça sert à quoi tout ça, comment peut-on y croire ? Voilà des années qu’on entend des bobards, des mensonges. L’ascenseur est en panne, le monde est aux mains des requins, et de l’autre côté du périph, ils en ont rien à secouer. Ils ne veulent surtout rien secouer, leurs rentes sont assurées.

-         Votre parole fera du bruit, je ferai tout pour qu’elle soit entendue. Il existe là-bas comme ici des femmes, des hommes éclairés, courageux qui veulent tout cela change. Car cela ne peut plus durer, ces exclusions, ces injustices criantes, ce monde qui marche sur la tête. Ce séparatisme a fait long feu, il a du plomb dans l’aile. Alors on y croit !

-         Alors on y croit !! Debout les invisibles ! Secouons les assemblées. L’avenir de la planète est à ce prix.

 

 

L’espoir, l’utopie est à prendre ou tout est à laisser… à vau l’eau.

Marc

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